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Par ahoui le 30 Mars 2010 à 00:00Il a plu averse.
Au retour du sec, un coucou chanta.
Le Coquu
Du laid coquu la nature est meschante,
Aussi est-il de tous oyseaux hay ;
Quand le soleil entre en sa force, il chante,
Et lors par luy maint oyseau est trahy ;
Car pour autant qu'il est froid de naissance,
Avoir ne peut de couver la puissance :
Que fait-il donc ? pour briefvement respondre,
Au nid d'autruy subtilement va pondre,
Alors qu'il sent que l'oyseau n'y est point.
O amoureux, respondez sur ce point,
Sera en vous ceste chose louable,
Puis qu'au coquu elle est vituperable.
Guillaume Gueroult
Blason des oyseaux, 1550
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Par ahoui le 15 Mars 2010 à 00:00Claude Vercey nous défie de trouver bouvier en poésie. En voici un, chez Eugène Manuel, poète et patriote français*. Dont on peut se demander si son œuvre relève du lard ou du cochon. Le doute est bref : bon soldat en deçà, mauvais au delà. Extrait de Henri REGNAULT (janvier 1871) :
Maudis sois-tu, soldat, toi, ton peuple, et la guerre,
Et ton vieux roi tout le premier,
Puisqu'il n'aura fallu qu'un paysan vulgaire,
Fils de l'étable et du fumier,
Quelque bouvier pétri pour les œuvres serviles,
Marchant sous la crosse et les coups,
Un balayeur peut-être échappé de nos villes,
Encor puant de nos égouts,
Pour trouer au hasard, bêtement, cette face,
Comme par un défi moqueur ;
Pour trancher dans sa sève abondante et vivace
Tout ce génie et tout ce cœur ;
Étouffer à son aube une lueur si pure,
Éteindre un tel rayonnement,
Que la France mourante en ressent la blessure
Jusque dans cet écroulement !
En dessert, un chromo de la biscuiterie Guillout. D'un temps où on savait parler aux enfants. La légende :
– Paraîtrait que ces obus à la mélanine, ça ne fait que des blessures coupantes.
– Pas besoin d'amputation après, pour lorss !
* Eugène MANUEL (1823-1901) – Poésies complètes, Paris, 1899. Source : gallica.bnf
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Par ahoui le 9 Décembre 2009 à 00:00Les journaux (mardi 8 décembre) :
La Baule. Une femme aspergée d’essence et enflammée par son mari.
L'allumette est-elle déjà dans l'air Zon ! ma Lisette, zon ! ma Lison de Béranger ?
Le soir des noces
Air : Zon ! ma Lisette, zon ! ma Lison.
L’hymen prend cette nuit
Deux amants dans sa nasse.
Qu’au seuil de leur réduit
Un doux concert se place.
Zon ! flûte et basse !
Zon ! violon!
Zon ! flûte et basse !
Et violon, zon ! zon !
Par ce trou fait exprès
Voyons ce qui se passe.
L’épouse a mille attraits,
L’époux est plein d’audace.
Zon ! flûte et basse !
Zon ! violon!
Zon ! flûte et basse !
Et violon, zon ! zon !
L’épouse veut encor
Fuir l’époux qui l’embrasse ;
Mais sur plus d’un trésor
Le fripon fait main basse.
Zon ! flûte et basse !
Zon ! violon!
Zon ! flûte et basse !
Et violon, zon ! zon !
Elle tremble et pâlit
Tandis qu’il la délace.
Il va briser le lit ;
Il va rompre la glace.
Zon ! flûte et basse !
Zon ! violon!
Zon ! flûte et basse !
Et violon, zon ! zon !
Mais, pris au trébuchet,
L’époux, quelle disgrâce !
De l’oiseau qu’il cherchait
N’a trouvé que la place.
Zon ! flûte et basse !
Zon ! violon!
Zon ! flûte et basse !
Et violon, zon ! zon !
La belle, en sanglotant,
Se confesse à voix basse.
D’un divorce éclatant
Tout haut il la menace.
Zon ! flûte et basse !
Zon ! violon!
Zon ! flûte et basse !
Et violon, zon ! zon !
Monsieur jure après nous ;
Mais qu’à tout il se fasse.
Du livre des époux
Il n’est qu’à la préface.
Zon ! flûte et basse !
Zon ! violon!
Zon ! flûte et basse !
Et violon, zon ! zon !
Pierre-Jean de Béranger
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Par ahoui le 3 Décembre 2009 à 00:00Après Jean-Claude Touzeil dans son billet d'hier sur biloba, autre amicale pensée pour Jean Féron. Jean a été un des premiers à diffuser sa poésie sur internet (Au pied de la lettre) ; il lui arrivait de me confier un de ses écrits pour Tiens en voilà justement un qui passe (site aujourd'hui disparu de la toile). Voici Neige* qui devait paraître dans le recueil Au fond de l'amusette :
Neige
Au fond des nues
pauvre angelot
au gel sans linge
tu bats de l'aile
À toute allure
on skie on luge
et toi tu pèles
tes engelures.
Jean Féron
* L'illustration exploitait le motif d'un tableau ancien dont je n'ai pas conservé les références.
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Par ahoui le 1 Décembre 2009 à 00:00aux poètes qui s'égarent en ces lieux,C'est un mois environ après notre arrivée que la chambrée s'enrichit de son plus bel ornement : Jeuland Joseph, dit « le bleu bitte », soldat de première classe et ordonnance du lieutenant Decugis.
aux compagnes ou compagnons qui les supportent
[...]
Il n'avait pas de préoccupations intellectuelles. Un jour il vint au pied de mon lit et me demanda à brûle-pourpoint :
— Paraît que t'es poète, toué ? C'est y vrai ?
— On le dit, lui répliquai-je modestement.
— Ah ben bon Gueu le ieutenant a dit comme ça qu'il croyait pas en avoir yun dans sa compagnie ! (comme
on parle d'un pied-bot ou d'un bec-de-lièvre).
D'autres fois, lorsqu'il voulait m'injurier, il faisait des déclinaisons en partant de ce qualificatif, mystérieux pour lui :
« Po-ète ! », « Peau d'fesse ! » « Peau d'con», et cœtera.
Maurice Fombeure *
* Soldat, in Les Primaires, revue mensuelle de culture populaire, de littérature et d'art, 1934 (source : gallica.bnf)
Le titre de l'article fait référence aux Gaîtés de l'escadron, pièce de Courteline dont Maurice Tourneur a tiré un film. Édouard Francomme y jouait le rôle d'un soldat de corvée de pluches.
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Par ahoui le 21 Septembre 2009 à 00:00
Maison 311, 2009, encre de Chine sur carton, 28 x 36 cm
On peut lire, à la page 311 des Œuvres poétiques de Jean Sénac*, le poème suivant :
Belle
tu es morte.
J'apporte mes mots
comme du sable
au creux des doigts.
J'élève sur ton corps
une maison de sable
un poème.
Je me couche sur ton cœur
Belle
les yeux dans le soleil
que tu aimais.
* Jean Sénac, Œuvres poétiques, Actes sud, 1999
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Par ahoui le 27 Mai 2009 à 00:00
Trouvé chez le vieux-papiers le recueil d'un poète sarthois mort prématurément.*
L'auteur a écrit les premiers poèmes publiés à l'âge de quatorze ans. Voici un des derniers textes :
L'escargot
Il rentre dans sa coquille au contact qui le contrarie.
Je rentre en moi-même au heurt qui me froisse.
Ses cornes, prudemment, explorent son univers restreint.
Avec des antennes inquiètes, je fouille l'humanité.
Sa bave déplaît aux autres et lui la trouve naturelle.
Je dis la vérité sale mais vraie.
Sa trace d'argent se déroule lente, ineffacée.
Laisserai-je un sillage sur le chemin ?
1938
* Né en 1914, René Leday meurt en 1938, "soldat, mais en temps de paix", note la préfacière.
René LEDAY, Les Jours comptés, éditions de la Société littéraire du Maine, librairie Graffin, Le Mans, 1939
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